La loi française sur le devoir de vigilance du 27 mars 2017 oblige les grandes entreprises à identifier les risques d’atteinte aux droits humains et à l’environnement sur leurs chaînes d’approvisionnement, et à prendre des mesures pour les éviter. Toutefois, comme le souligne l’association « Notre Affaire à Tous », cette législation ne prévoit ni contrôle systématique, ni sanction en cas de non-conformité. Dans ce contexte, le benchmark de la vigilance climatique vise à évaluer le respect de ces obligations légales par les multinationales françaises.

Une analyse juridique comparative rigoureuse

L’étude évalue les performances climatiques de 26 multinationales françaises parmi les plus émettrices de gaz à effet de serre (GES), notamment issues des secteurs de l’énergie, la finance, l’industrie, le transport, la construction et l’agro-alimentaire. L’analyse se fonde sur les documents officiels publiés par ces entreprises (document d’enregistrement universel, stratégie climat, plan de vigilance).

Les entreprises sont notées sur 100 points, selon cinq critères principaux, tels que le traçage des émissions de GES, l’identification des dangers liés au changement climatique, les objectifs généraux de lutte contre ce phénomène, la mise en œuvre de mesures concrètes, et la conformité du plan de vigilance. Parmi les entreprises les mieux notées figurent Schneider Electric (77/100), Michelin (60/100) et Danone (59,5/100). Quant aux entreprises affichant les plus faibles scores, on retrouve Bolloré (20/100), Natixis (12,5/100) et Casino (12,5/100).

Des engagements insuffisants face à l’urgence climatique

Le rapport met en lumière que si la grande majorité des multinationales étudiées ont désormais intégré l’enjeu climatique dans leur plan de vigilance, l’ambition reste limitée. Selon l’association, les objectifs affichés par ces multinationales ne permettraient de réduire leurs émissions que de 12 % d’ici à 2030, ce qui reste bien loin des 50 % requis pour être aligné avec l’objectif des Accords de Paris.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que les émissions des scopes 1, 2 et 3 des entreprises étudiées s’élèvent à 2 577 MtCO2eq, ce qui représente à elles seules plus de 4,5 % des émissions mondiales de GES, selon l’étude. Elle souligne également que 17 multinationales sur 26 refusent d’intégrer pleinement les émissions de scope 3 dans leur plan de vigilance, soit en omettant de les comptabiliser entièrement, soit en invoquant la responsabilité collective.

L’échec de l’autorégulation et la nécessité de normes contraignantes

Face à ces constats, « Notre Affaire à Tous » affirme que « l’autorégulation est un échec » et qu’en l’absence de normes contraignantes dont l’application serait contrôlée, les entreprises ne seront pas au rendez-vous de la transition écologique. L’association alerte sur les stratégies déployées par certaines entreprises pour limiter leur responsabilité : renvoi à la responsabilité collective, refus d’adopter des mesures de vigilance sur les émissions de scope 3 ou encore conditionnement de leur transition à l’obtention de subventions publiques malgré des profits parfois considérables.

Dans ce contexte, l’association souligne l’importance de maintenir les obligations prévues dans les directives européennes CSRD et CSDDD, et appelle le Parlement européen et les États membres à rejeter les propositions de la loi Omnibus présentée le 26 février 2025 par la Commission européenne.

Les trois points clés à retenir

  • Si la grande majorité des entreprises étudiée a intégré le climat dans leur plan de vigilance, les objectifs actuels manquent d’ambition : ils permettraient une réduction des émissions de GES de seulement 12 % d’ici à 2030, loin des 50 % requis par l’Accord de Paris.
  • Les 26 multinationales étudiées ont le pouvoir d’agir sur 4,51 % des émissions mondiales de GES, ce qui démontre l’importance de réglementer efficacement leur impact environnemental.
  • Le benchmark conclut à l’échec de l’autorégulation et plaide pour le maintien de normes européennes ambitieuses pour contraindre les entreprises à faire leur part dans la lutte contre le réchauffement climatique.