Le contexte de la décision

À compter de 2006, le président-directeur général et plusieurs dirigeants d’une grande société mettent en œuvre une politique d’entreprise impactant un quart de ses salariés, notamment par le biais d’un plan de réduction des effectifs visant la suppression de 22 000 postes (sur un total d’environ 120 000) et d’un plan de mobilité interne affectant 10 000 agents. En 2009, un syndicat dépose une plainte pour harcèlement moral à l’encontre de cette société et de trois de ses dirigeants. Il est reproché à ces derniers d’avoir mis en place une politique d’entreprise visant à déstabiliser les salariés et à créer un climat professionnel anxiogène en recourant, entre autres, à des incitations répétées au départ, à des mobilités forcées, à une surcharge de travail, ainsi qu’à des manœuvres d’intimidation ou des menaces.

La question posée à la Cour de cassation

En 2022, la Cour d’appel de Paris condamne la société et ses principaux dirigeants pour harcèlement moral institutionnel en se fondant sur l’article 222-33-2 du Code pénal, qui vise le harcèlement moral au travail. Plusieurs prévenus contestent leur responsabilité et forment un pourvoi en cassation. La Cour de cassation doit alors répondre à la question suivante : les dirigeants d’une société peuvent-ils être condamnés sur le fondement de la loi réprimant le harcèlement moral au travail pour avoir, en connaissance de cause, défini et mis en œuvre une politique générale d’entreprise de nature à entraîner une dégradation des conditions de travail des salariés ?

La solution retenue par la Cour de cassation

Dans son arrêt du 21 janvier 2025, la Chambre criminelle de la Cour de cassation confirme que le harcèlement moral institutionnel entre bien dans le champ du harcèlement moral au travail tel que le conçoit le Code pénal. La juridiction estime que cette qualification ne requiert pas que les agissements répétés s’exercent à l’égard d’une victime déterminée ou dans le cadre de relations interpersonnelles entre leur auteur et la ou les victimes. Le fait que ces derniers fassent partie de la même communauté de travail est suffisant.

La Cour considère en effet que le législateur a souhaité donner au harcèlement moral au travail la portée la plus large possible. Dès lors, la loi permet de réprimer les agissements répétés qui s’inscrivent dans une politique d’entreprise, c’est-à-dire l’ensemble des décisions prises par les dirigeants ou les organes dirigeants d’une société visant à établir ses modes de gouvernance et d’action. La cour d’appel a donc établi par des motifs suffisants l’existence d’agissements de la part des prévenus caractérisant le délit de harcèlement moral institutionnel ou la complicité de ce délit.

Les trois points clés à retenir 

  • La Cour de cassation consacre le harcèlement moral institutionnel dans un arrêt du 21 janvier 2025.
  • La loi n’impose pas que les agissements répétés s’exercent à l’égard d’une victime déterminée.
  • La loi n’impose pas que les agissements répétés s’exercent dans une relation interpersonnelle entre l’auteur et la victime.