Un cadre juridique précisé pour l’expertise en cas de risque grave

Conformément à l’article L. 2315-94 du Code du travail, le CSE peut faire appel à un expert habilité lorsqu’il constate l’existence d’un risque grave, identifié et actuel dans l’établissement. Ce risque peut être révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle.

Dans l’affaire portée devant la Cour de cassation, la question centrale concernait la recevabilité des témoignages anonymisés comme élément de preuve du risque grave. En effet, le CSE avait décidé de recourir à une expertise pour risque grave, en s’appuyant notamment sur des témoignages dont l’identité des auteurs avait été masquée.

L’employeur contestait la recevabilité des témoignages anonymes

L’employeur avait saisi le président du tribunal judiciaire pour contester cette démarche, estimant que ces témoignages anonymes violaient le principe du contradictoire inscrit aux articles 15 et 16 du Code de procédure civile. Le tribunal a fait droit à sa demande, déclarant les témoignages irrecevables et annulant la délibération.

Le CSE justifiait l’anonymisation des attestations par la nécessité de protéger les salariés contre d’éventuelles représailles. Ces témoignages n’étaient pas les seuls éléments apportés pour démontrer l’existence d’un risque grave dans l’entreprise.

Des témoignages anonymisés sous conditions

Dans son arrêt du 11 décembre 2024, la Cour de cassation censure le jugement du tribunal et fixe un cadre clair : si un juge ne peut pas fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés sous certaines conditions. Pour être recevables, l’identité des témoins doit être connue de la partie qui produit ces témoignages, et leur contenu doit être corroboré par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence.

Implications pratiques

Pour étayer l’existence d’un risque grave, le CSE peut désormais protéger l’identité des témoins, mais doit fournir des éléments complémentaires. L’employeur, quant à lui, ne peut plus contester les témoignages sur le seul critère de leur anonymisation, le juge devant examiner l’ensemble des preuves produites.

Les trois points clés à retenir

  • Les témoignages anonymisés par le CSE peuvent être recevables pour prouver un risque grave justifiant une expertise.
  • Ces témoignages doivent être corroborés par d’autres éléments de preuve pour être pris en compte.
  • Le juge doit examiner la valeur et la portée des attestations anonymisées ainsi que des autres pièces produites par le CSE, sans les écarter automatiquement en raison de leur caractère anonyme.